Philippine Talamona

Mots-clés : ingénierie inversée / obsolescence programmée / hacking / erreur / maladresse / infrastructure technologique alternative / science DIY / biohacking / transhackféminisme / devenir des plantes devenir des machines / politique du quotidien / care

Philippine Talamona

Note d’introduction

Typographie inclusive

La typographie utilisée présente des glyphes (lettres mutantes, ligatures, éléments de symbiose[1]) qui sont utilisés pour remplacer le point médian en écriture inclusive. Les typographies proposant ces glyphes forment la..e Queer Unicode Initiative (QUNI). La..e QUNI a été nommé..e par Bye Bye Binary, collectif franco-belge qui expérimente autour de l’écriture inclusive et propose de nouvelles formes graphiques et typographiques de la langue française. La typographie utilisée dans ce mémoire, DINdong, propose des ligatures inclusives, c’est-à-dire des associations de caractères qui remplacent le point médian lorsque c’est possible dont quelques exemples sont : la..e, cell..eux, utilisateur..ice.

Ecriture fictionnelle et non-fictionnelle

Les chapitres Le jardin, La cabane et Le duvet sont les trois parties qui composent le récit fictionnel qui accompagne le mémoire. Dispersées entre les autres chapitres, elles sont ici pour accompagner la lecture, ouvrir les imaginaires et les possibles, elles peuvent être lues en décalé, entre les lignes, survolées ou détachées. Elles donnent forme au laboratoire imaginaire dont j’imagine les recoins au long de mes lectures, et sont une invitation pour le..a lecteur..ice à explorer librement ces lieux et à tirer les ficelles entre les citations que j’étire dans le texte du mémoire.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Introduction

Je raconte tout à mon ordinateur personnel et aux réseaux auxquels il est connecté pourtant je ne sais rien de lui. Les enjeux sociaux, économiques et environnementaux que j’ai pu questionner dans mon travail plastique en tant qu’étudiante en art ne se reflétaient pas dans mon usage de mon outil principal, mon ordinateur, ni dans mon usage personnel des outils numériques qui sont des objets dont je cherche les limites, les applications créatives mais dont je veux comprendre les mécanismes et les enjeux.

Je m’interroge sur les implications dans ma pratique de l’usage des outils numériques que cela soit matériel ou logiciel, c’est-à-dire de l’ordre du hardware ou du software, dont, pour les outils les plus utilisés, la production et la distribution s’inscrivent dans des systèmes d’oppression. Pour se détourner de ces dispositifs, j’ai étudié les récits d’autres technologistes, chercheur..euses, artistes qui défendent la notion de visibilité, que cela soit celle des femmes dans l’informatique, ou celle des systèmes de production de matériel, des algorithmes, des lignes de code, à travers la pratique du hacking et des théories féministes.

Par la notion de visibilité, j’entends aussi l’accès au savoir et à la connaissance libre. Les récits que je citerai défendent également une transdisciplinarité, un mélange de compétences et de pratiques peu importe le genre, l’âge ou l’éducation reçue. Ces récits proposent des alternatives aux manières de faire répandues, des discours qui prennent des formes variées et s’inscrivent dans différents domaines, entre l’art, la science et la technologie.

Comment les pratiques féministes du hacking inventent de nouvelles narrations en luttant contre les systèmes d’oppression ? Dans un premier temps il s’agit de définir le terme hacker et de le replacer dans le contexte du logiciel libre, de l’open-source et de le croiser avec les définitions des makers et des biohackers. Il s’agit ensuite d’appliquer une perspective féministe à ses notions, de s’intéresser au hack du genre et au hack dans la santé, dans la gynécologique plus spécifiquement. Et enfin développer quels sont des outils informatiques libres, comment ils participent à la performance de genre avec le hardware rose.

Dans un second temps, les lieux des pratiques du hacking féministe, physiques ou en ligne, c’est-à-dire les infrastructures technologiques, les hackerspaces et les serveurs sont déployés. Puis les valeurs transmises au sein de ces communautés, à travers l’éthique du care et la notion d’espace réparateur et enfin, comment les pratiques dans ces lieux sont documentées, en ligne, et de manière libre.

Dans une dernière partie, deux types de pratiques sont abordés, une spéculative, autour de l’écriture fictionnelle, puis une pratique maladroite, qui cherche à détourner les codes (sociaux ou informatiques) et qui lutte pour une pratique trouble et non-linéaire.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Faire librement, déconstruire les machines

Pratiques du hacking, aux intersections de l’informatique, de l’électronique, de la biologie et de la santé

  1. Devenir utilisateur..ice actif..ve, le libre et l’open-source

I think that I shall never see
A graph more lovely than a tree.
A tree whose crucial property
Is loop-free connectivity.
A tree that must be sure to span
So packets can reach every LAN.
First, the root must be selected.
By ID, it is elected.
Least-cost paths from root are traced.
In the tree, these paths are placed.
A mesh is made by folks like me,
Then bridges find a spanning tree.

Radia Perlman est ingénieure réseau, elle écrit ce poème en 1992 lorsqu’elle développe l’algorithme du Spanning Tree. Elle est également l’une des informaticien..nes à l’origine du développement du langage de programmation LOGO, langage pour enfant qui enseigne les fondamentaux de la programmation. Elle défend qu’apprendre doit être amusant, en permettant d’aborder le code dès l’enfance afin de comprendre les mécanismes derrière les outils informatiques auxquel..les tous..tes sont confronté..es au quotidien.

Si les avancées technologiques vont vers une réduction d’échelle des composants électroniques, l’invisibilisation passe aussi par des promesses de qualité, d’augmentation et de confort faites par les grandes entreprises. Cette opacité des lignes de codes, des câbles et des connaissances résonne avec la boîte noire, un objet dont on ne peut voir le système interne. Cependant des alternatives existent et les valeurs de transparence et de visibilité sont défendues dans le mouvement du libre, proche de celui de l’open-source.

Les logiciels libres sont des alternatives aux logiciels dits propriétaires, ils reposent sur des valeurs de solidarité et de liberté. Un logiciel libre n’est pas forcément gratuit, mais l’utilisateur..ice a la possibilité d’accéder et de modifier le code source ainsi que d’en distribuer des copies, même modifiées[2]. La désignation open-source quant à elle met en avant le développement d’un logiciel, ses avantages pratiques et non les valeurs de liberté et de justice selon Richard Stallman, initiateur de mouvement du logiciel libre[3]. En opposition, les logiciels propriétaires ne permettent pas d’avoir leur code source étudié ou modifié. La séparation est marquée entre cell..eux qui fabriquent, et cell..eux qui utilisent, c’est-à-dire d’un côté la programmation du fonctionnement du logiciel et de l’autre son interface d’utilisation.

L’utilisateur..ice de logiciels ou de matériels propriétaires, passif..ve face à leur développement, subit des conséquences comme l’obsolescence programmée, ou des fuites de données. Des pratiques remettent en cause ces stratégies en cherchant à démonter les boîtes noires, à détourner, à programmer dans l’intention de faire durablement et tendent à rendre les utilisateur..ices actif..ves, souverain..es c’est-à-dire autonomes et indépendant..es. C’est dans le cadre de ces pratiques que je fais appel aux notions de hacking, making et biohacking.

  1. Hacking, making, définitions

Un..e hacker programme, bricole, soude, démonte, fabrique, altère, modifie, transplante, implante. Le hack est un terme déjà utilisé dans les années 1950 par les amateur..ices de la radio dans le cadre d’un bricolage créatif. Les hackers sont des passionné..es des systèmes internes qu’i..elles maîtrisent et détournent. Anne Goldenberg, artiste, chercheuse et hacktiviste, écrit « qu’i..elles ont développé des relations harmonisées, humoristiques, ludiques et créatives avec le travail et la gestion du temps[4]. » Un bricolage est par définition sans technicité garantie, le hack pouvant être alors de l’ordre de l’expérimentation, sans se situer dans une quête de productivité ou d’utilité.

Les hackers sont regroupé..es dans communautés internationales favorisant l’intérêt pour la pratique, la curiosité et non les diplômes, l’âge ou encore la classe sociale de ses membres. Dans le prolongement de la culture du libre évoquée précédemment, les hackers partagent des valeurs d’ouverture et de décentralisation. Plus qu’un loisir créatif, beaucoup assument un positionnement politique et dénoncent la censure politique, la surveillance et la violence.

En opposition à ces valeurs se rejouent également dans les communautés hackers des dynamiques de méritocratie, de compétition héritées de l’ingénierie, des mathématiques et qui plus largement répondent aux codes dominants de la société. SpiderAlex, hacktiviste et cyberféministe, utilise la formule « il faut repousser les limites hétéronormatives masculines de la culture du hacking[5]. » Malgré les valeurs soutenues par les hackers, un positionnement radical sur ces questions semble requis pour permettre la bonne mise en pratique du libre.

Le discours du making est différent de celui du hacking, les deux notions sont cependant en dialogue et les frontières sont floues. La culture maker a pour origine la culture DIY (Do-It-Yourself) et se tourne plutôt vers des projets d’ingénierie poussant au prototypage et à la réalisation d’un produit fini. Elle défend un apprentissage collaboratif et transdisciplinaire mais tend à se situer dans une pratique moins politisée, moins tournée vers la transgression comme vu précédemment à propos de la culture hacker. Debbie Chachra, professeure en ingénierie, s’inquiète dans un article pour The Atlantic que les makers accordent trop d’importance à la production matérielle et au profit qu’elle peut engendrer sans se soucier de problématiques sociales[6]. Evgeny Morozov, chercheur, argumente dans un article pour le New Yorker que les makers ne font que de déplacer la production d’objets mais qu’i..elles n’apportent pas d’autonomie aux utilisateur..ices[7]. Les nuances entre le discours du making et du hacking rappellent celles entre le libre et l’open-source, qui varient également d’un individu à l’autre et de leurs manières de définir leurs pratiques au sein de ces communautés.

Les domaines où sont actives ces communautés ne se limitent pas à l’informatique et à l’électronique, elles agissent également dans le domaine de la biologie et de la santé, en questionnant la place et l’appartenance des savoirs (dans les laboratoires, aux professionnels) et au besoin de ramener ces connaissances dans le quotidien. Cette interdisciplinarité appelle à échanger les connaissances et les pratiques, à troubler les rôles de scientifique, artiste, chercheur..se, ou de technicien..ne.

  1. Biohacking, santé Do-It-Yourself

Le biohacking est l’application de l’éthique hacker au domaine de la biologie. Il est propice au développement de sciences et de technologies non institutionnelles ainsi qu’au développement de pratiques participatives et collaboratives. Il englobe un large spectre de pratiques (prothèses DIY, séquence de gènes, matériel de laboratoire open-source) ainsi qu’une variété de motivations et de postures. Depuis 2009, Hackteria recense des projets de biologie et d’art open-source en formant un réseau de scientifiques, de hackers, d’artistes… I..Elles mettent en avant la possibilité pour chacun..e d’acquérir ou de construire son propre matériel de laboratoire. Leurs projets sont recensés en ligne sur leur wiki, ainsi que les workshops organisés par les membres de la communauté dans le monde entier.

Les biohackerspaces, ou biolabs, ont pour motivation une approche transdisciplinaire des pratiques scientifiques dans un but d’apprentissage et d’innovation. Paula Pin, chercheuse et artiste activiste, les définit comme des espaces de liberté intellectuelle, où on déplace depuis les laboratoires vers la vie quotidienne des gens[8]. Dans la continuité d’une envie de technologie libre et ouverte, les pratiques du biohacking sont documentées et partagées gratuitement sur des plateformes web. Ces laboratoires sont des modèles participatifs et ouverts qui mettent en jeu de nouvelles interactions entre penser, faire, créer et concevoir. Ils représentent la chance qu’une politique plus inclusive, expérimentale et participative ait des conséquences publiques et globales dans les domaines scientifiques émergents.

Schéma du projet Open Source Estrogen, source : Hackteria

Le projet de biohacking Open Source Estrogen, initié par Mary Maggic, artiste et chercheuse, dont Paula Pin est une des collaborateur..ices, est documenté sur le wiki de Hackteria. Ce projet de recherche conduit le développement d’un oestrogen hack lab, un ensemble d’outils, de protocoles qui visent à étudier les molécules d’oestrogène. Le projet interroge l’éthique derrière l’administration de molécules de synthèse, leur détection et leur extraction. Les outils pensés au sein du projet font opposition à des politiques de contrôle des corps en poussant à l’émancipation de l’industrie pharmaceutique.

Des collectifs comme GynePunk défendent aussi la réappropriation du corps, notamment dans le domaine de la santé et de la gynécologie. I..Elles mettent en place des contextes de création de matériel d’auto-examination gynécologique pour répondre à des besoins par exemple dans des contextes de précarité. Dans le prolongement du biohacking, il s’agit de transmettre les connaissances médicales à tous..tes ainsi que du matériel d’auscultation.

En affirmant un positionnement militant et activiste, les hackers inscrivent leurs pratiques dans des revendications claires.


Une perspective féministe

  1. Rendre visible

Dans le domaine de l’informatique, les travaux de chercheur..ses, artistes, scientifiques, grâce à leur engagement politique et social ont permis de documenter, de rendre légitime et d’informer sur la place importante occupée par les femmes à ses débuts[9]. Les théories féministes permettent d’avoir des angles de vue alternatifs sur les savoirs, au-delà de la perspective limitée de chacun..e et donnent la possibilité de prendre conscience de ses propres privilèges et comportements oppressifs.

Le collectif SSL Nagbot est composé de trois chercheur..ses, Lilly Nguyen, Sophie Toupin et Shaowen Bardzell. I..Elles écrivent que la pensée féministe a révélé l’exploitation des travailleur..es dans le secteur de la technologie, a facilité les efforts d’émancipation, a cultivé les perspectives alternatives et a rendu visible les infrastructures[10]. Le féminisme et le hacking mènent une politique de visibilité, afin de montrer les systèmes invisibles.

Les valeurs empruntées au féminisme permettent de combler le manque de diversité qui existe également au sein des communautés hackers. SpiderAlex écrit : « Les initiatives de souveraineté technologique ont aussi besoin de communautés plus durables et justes au sein desquelles tous les participants peuvent travailler depuis la diversité et l’inclusion, ainsi que depuis la compréhension de leurs privilèges et rôles de pouvoir[11]. » Ainsi les valeurs féministes permettent le fonctionnement du collectif, en tentant de démonter, de hacker les dynamiques de pouvoir.

Il s’agit également de hacker les oppressions liées au genre dans le domaine de l’informatique. La performance du genre est une expression théorisée par la philosophe Judith Butler qui considère le genre comme une performance sociale apprise, répétée et exécutée, qui produit la fiction de genre mais qui est combattue par la non-conformité et la résistance. Le hack ne s’applique pas qu’au matériel électronique, les codes sociaux sont aussi susceptibles d’être bricolés.

  1. Hacker le genre, mouvement transhackféministe
Capture d’écran du manifeste de Pechblenda, lisible en annexe

Le biohacking tend à produire un mélange hybride de connaissances et à produire un champ d’expérimentation large entre biologie, électronique et chimie. Les dichotomies comme la dualité ou la binarité sont des frontières dépassées selon Paula Pin qui considère la recherche scientifique comme une capacité à performer. Elle cherche à dépasser les faits et valeurs établies par une performance du corps qui cherche à générer la surprise, la provocation ou l’étonnement.

Elle est aussi à l’origine du laboratoire PechBlenda qui défend le mouvement transhackféministe en militant pour l’expérimentation à vif et l’éducation populaire. Les membres génèrent des contextes participatifs qui débouchent sur des performances, laboratoires, ateliers, rencontres, simples conversations. Le terme transhackféminisme n’a pas de définition propre, mais je le comprends comme l’addition de la dimension du genre au hacktivisme. Le hack y est un moyen de résistance, de transformation, générateur d’une pratique fluide, qui ne fait pas de différence entre théorie et pratique, qui interroge le rapport humain..e – plante – machine.  

I..Elles revendiquent une expérimentation interdisciplinaire comme outil pour augmenter la puissance et la capacité de performance de son corps. L’articulation entre art, science et technologie est pour elle..ux un moyen de produire des subjectivités et l’open-source une réponse aux brevets et entreprises privées. Dans ce cadre, la technologie est quelque chose que l’on doit s’approprier, critiquer, comprendre. Les projets du collectif sont également documentés en ligne en espagnol.


  1. Gynécologie, santé
BioTransLab, source : Hackteria

La libre expérimentation du corps se retrouve également dans la gynécologie et le besoin de se le réapproprier dans une élaboration collective de connaissances et de matériel. Le collectif Gynepunk milite pour l’accès à du matériel de soin et d’examination gynécologique open-source, mis en place au travers du réseau d’Hackteria et du laboratoire PechBlenda.

I..Elles ont entrepris la création d’un kit de gynécologie d’urgence BioTransLab composé d’une centrifugeuse, d’un microscope et d’un incubateur. Ce matériel est nécessaire pour les personnes concernées, dans des situations de précarité, de non-accessibilité à la santé ou quand les interventions sont interdites comme pour l’avortement. Le collectif se positionne contre certaines pratiques institutionnelles de la gynécologie qui perpétuent des violences, des traitements paternalistes et contrôlants.

Claudia Ossandón Jamet (Klau Kinky), chercheuse, hacktiviste et membre de GynePunk, mène le projet de recherche AnarchaGland. Ce projet propose une réécriture radicale de l’histoire de la gynécologie, en prenant en compte le contexte colonial de l’invention du spéculum par exemple, issu d’expériences de torture sur des esclaves noires comme Anarcha, Lucy et Betsey, mais dont les textes historiques n’ont retenu que le nom du médecin à son origine. AnarchaGland vise à rendre visible cette histoire de la gynécologie au travers de performances, d’édition de fanzines, de mise en ligne de ressources[12].

Le besoin d’accès à des connaissances et à du matériel libre est renforcé face aux histoires oppressantes qui sont les récits dont les personnages sont célébrés et dont les violences sont mises sous silence. Des projets comme ceux du collectif GynePunk permettent d’imaginer de nouveaux récits inclusifs.


Des outils pour l’autonomie

  1. Matériel et logiciels libres

Les alternatives au matériel sous licence propriétaire sont nombreuses et notamment étudiées et répertoriées en France par Framasoft en associant la souveraineté, l’autonomie et de nouvelles formes de collaboration[13].

Framasoft est une association et un réseau d’éducation libre francophone qui mène depuis 2014 notamment la campagne Dégooglisons Internet qui lutte pour un partage de services libres contre les « géants du web » qui exercent une « domination technique, économique, culturelle et politique sur nos sociétés ». Le projet cherche à sensibiliser autour des problématiques engendrées par ces dominations (surveillance, centralisation) tout en rendant plus visibles et accessibles des solutions, comme FramaLibre qui est un annuaire de logiciels libres. Pour citer une autre initiative, CHATONS est le collectif des hébergeurs alternatifs, transparents, ouverts, neutres et solidaires qui vise à rassembler des « structures proposant des services en ligne libres, éthiques et décentralisés ». Il est initié par Framasoft en 2017.

Concernant le matériel, des initiatives accessibles existent dont deux avec lesquelles j’ai pu expérimenter : le microcontrôleur ArduinoFree clip art, arduino et le nano ordinateur Raspberry Pi, fabriqués à bas coût et qui sont accessibles dans leur utilisation par la mise en place de ressources libres comme des schémas, tutoriels, forums. Arduino est la marque du microcontrôleur du même nom et d’une plateforme open-source dont l’objectif est de permettre à tous..tes de créer des objets électroniques interactifs.

Les schémas des cartes électroniques de la marque sont en licence libre. Arduino est apparue en 2005 et est originellement destinée aux spectacles, aux animations artistiques, ce qui explique pourquoi son environnement de développement est inspiré de Processing. C’est un environnement de développement libre apparu en 2001, adapté aux pratiques visuelles et graphiques mais dont la simplicité de fonctionnement lui permet aussi d’être adapté à tout programmeur débutant.

Raspberry Pi est un nano ordinateur conçu par la fondation Raspberry Pi et de la taille d’une carte de crédit. Il a été créé afin de démocratiser l’accès aux ordinateurs et à la création informatique.

Son prix réduit et le fait qu’il exécute des systèmes libres comme Linux le rend accessible et attractif. En 2011, son prix de vente était de 19€ environ, pour environ 30€ maintenant. Le site de la fondation promet trois objectifs : l’éducation, l’apprentissage non-formel et la recherche.


  1. Performance de genre autour du matériel
Sakura Board, produite par Renesas

Les normes de genre sont performées lors de la fabrication de la technologie, avec l’envie des entreprises multinationales d’attirer une nouvelle clientèle en utilisant une culture visuelle dite féminine, suivant l’idée que les utilisatrices se retrouveraient dans ces codes et se sentiraient plus à l’aise d’utiliser ce type de matériel informatique. Stefanie Wuschitz est artiste, chercheuse et fondatrice du hackerspace Mz* Baltazar’s Lab. Dans sa thèse elle aborde la stratégie de ces entreprises qui agissent en prétendant l’inclusion dans l’informatique et l’électronique des femmes qui vont « utiliser la technologie si la forme, la couleur et l’application sont culturellement codées pour le script du genre féminin » et analyse deux exemples de produits fabriqués avec cette vision : la Sakura Board et le LilyPad Arduino. L’usage d’une Sakura Board est le même que celui d’un Raspberry Pi par exemple, tandis que le LilyPad est une version modifiée d’un Arduino permettant de réaliser des connexions avec du fil de couture conducteur et non des câbles électriques.

LilyPad Arduino, développé par Leah Buechley et SparkFun Electronics

Ce matériel rose serait une tentative de réconciliation entre les femmes et l’informatique. Et malgré que le LilyPad ait permis de développer les liens entre textile et électronique, les codes visuels utilisés dans sa conception semblent en contradiction avec des valeurs d’inclusion et de diversité cherchant à démonter les stéréotypes de genre. Les codes visuels utilisés font référence à la douceur et donnent l’impression que ce matériel est moins puissant, plus facile à utiliser et à comprendre. Pourtant la Sakura Board est aussi puissante que les autres boards Arduino qui sont sur le marché[14].

Selon Stefanie Wuschitz, la performance du genre doit se faire d’une manière surprenante et nouvelle afin de briser les stéréotypes liés à la technologie et désapprendre le sentiment d’insuffisance. Selon son expérience basée sur les ateliers menés au Mz* Baltazar’s Lab, démonter le matériel informatique est une métaphore pour démonter la performance de la féminité (ne pas être agressive, ne pas détruire). Le faire collectivement mène à diminuer la peur d’ouvrir un dispositif.

La pratique du hacking permet le partage de connaissances et de matériel librement, qui s’appuie pour moi sur une visibilité globale, qu’elle soit celle des entrailles d’une machine démontée ou celle des violences systémiques dans la santé. Le hack que je dis féministe s’appuie sur un positionnement politique et social fort, un hack qui cherche l’expérimentation et l’inclusivité. Ces pratiques s’appuient sur l’entraide et le partage entre communautés.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Le jardin

Vous avancez vers une grille en fer entrouverte. Elle donne sur un jardin visiblement à l’abandon. Les rayons du soleil se reflètent sur des bocaux en verre encore posés sur le chemin. Vous poussez la grille, elle grince lentement pour vous laisser passer. Une intuition vous incite à déambuler dans le jardin. Il y a des herbes aromatiques et des mauvaises herbes entremêlées, il y a des champignons qui ont poussé entre les dalles de pierre au sol. L’endroit est paisible, vous marchez lentement en regardant autour de vous. Au fond, il y a une bâtisse dont la fenêtre laisse entrevoir un intérieur accueillant mais poussiéreux. Votre regard est attiré à nouveau par les plantes autour de vos pieds. Vous clignez des yeux, vous auriez juré les voir briller. Vous notez dans votre carnet.

il n’y a personne dans cet endroit

i..elles sont tous..tes parties

les plantes elles sont restées

elles sont encore en train de décider si elles me convient à l’intérieur


Vous continuez de déambuler dans le jardin. Il y a des plantes que vous ne reconnaissez pas, comme si elles venaient d’un autre monde. Vous vous frayez un chemin entre les racines à l’écart de l’allée principale. Dans un coin ombragé, contre les bordures de la façade, vous trouvez des outils entassés. Ils sont rafistolés et ils manquent des parties à certains. Vous les regardez plus attentivement, ils vous apparaissent comme des assemblages insensés de matières et de formes qui ne vont pas ensemble. Vous en mettez un dans votre sac, qui n’a pas l’air trop usé, pour l’étudier plus tard.


je ramasse les bouts que je trouve sur mon chemin

plus tard je pourrais les sortir de mon sac et les regarder à la lumière

les preuves des endroits dont on a rêvé entre les mains

il n’y a qu’elles et les souvenirs

mais les souvenirs s’effacent et les petits bouts s’effritent dans les mains


Le chemin est à peine visible, mais il vous mène à une bâtisse, si petite que de loin vous l’aviez prise pour une cabane. Une fois devant la porte, vous remarquez la fenêtre entrouverte, et à travers celle-ci, vous pouvez voir une grande table en bois ancienne recouverte d’une couche de poussière. Vous apercevez de vieilles machines et des nids de câbles qui avec le temps se confondent avec les toiles d’araignée. Accrochés au mur, dans le fond, vous voyez des placards, ils sont installés de travers. Vous vous penchez pour mieux voir par la fenêtre et les toiles d’araignée s’accrochent à vos vêtements. En le faisant, vous apercevez une échelle qui a l’air de mener au grenier. Sous cette échelle, un duvet est encore là, et une table de nuit où s’empilent les grimoires.

j’avais déjà entendu le bruit des machines branchées qui chuchotent

j’entends les réseaux qui s’entrelacent et qui m’appellent

passer la grille en fer c’était déjà être pris..e dans la toile

dehors les feuilles grésillent au bout des tiges

il faut rentrer avant la nuit

Vous faites un dernier tour dans le jardin et retrouvez des fioles abandonnées dans la terre, des pots remplis de liquides étranges. Vous approchez le visage du sol, et observez de très près une plante entre vos deux yeux. Vous clignez deux fois, vous auriez juré encore qu’elle s’était mise à briller. Curieux..se, vous avancez vers la porte d’entrée.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Soigner les machines et les corps

Lieux physiques ou en ligne où se déploient les pratiques du hacking

  1. Infrastructures technologiques

L’infrastructure est ce qui supporte, la base qui maintient le bon fonctionnement d’une structure concrète ou abstraite[15]. L’expression « infrastructure technologique » est notamment utilisée par SpiderAlex afin d’englober tout ce qui concerne le hardware, le software, les applications mais aussi le design participatif, l’espace safe, la solidarité sociale. Hors-ligne ou en ligne, les lieux où se déploient les pratiques du hacking féministe rendent visibles les différentes perspectives adressées par la technologie.

Ces lieux permettent d’adresser les inégalités de production de la technologie, depuis sa fabrication, son accès, son développement et sa gouvernance. Ils permettent aussi aux participant..es d’être actif..ves et critiques dans leur appropriation des technologies, en étant des espaces ouverts à l’expérimentation. Par exemple l’ingénierie inversée, c’est-à-dire le montage à l’envers d’un dispositif (un désassemblage) permet une visibilisation et une compréhension des systèmes internes. Mais plus que dans un but de production de matériel, ces infrastructures valorisent l’expérience, les gestes et les valeurs. Elles tendent également à proposer des utilisations de la technologie d’une manière inattendue. Ces infrastructures se veulent en opposition à une vision hiérarchique, méritocrate en poussant à une pensée critique. Le partage du savoir se fait lentement dans ces lieux par une addition de production de documentation, de manuels gratuits et libres dans l’idéal. Ce partage d’outils et de stratégies a des actions directes comme une meilleure protection des données des participant..es ou encore une meilleure sécurité en ligne.

Spideralex mentionne également l’importance pour ces lieux de projeter ses participant..es dans le futur qu’on veut rêver et de rendre les narrations possibles. Il convient aussi de mentionner que les infrastructures hacker et féministes ont une autonomie relative car elles dépendent de réseaux de communication et de technologies déjà existantes (ordinateurs, serveurs, accès). Leur autonomie se trouve alors dans les valeurs et principes qu’elles mettent en avant. Elles sont différentes des unes des autres mais se regroupent autour de désirs communs de liberté, de valorisation de soi et d’entraide mutuelle en pratiquant également une solidarité sociale active.

  1. Hackerspaces

Un hackerspace est un lieu de travail technique et collaboratif entre ses participant..es. Le modèle a été repris dans différents pays après les Chaos Communication Congress débutés en 1984 à Hamburg puis Berlin, organisés par le hackerspace Chaos Computer Club. Les hackerspaces sont des lieux de rencontre et d’expérimentation collective pour celle..ux qui partagent un intérêt autour de l’informatique, de la technologie, des sciences et de la créativité. Ce sont des lieux de contre-culture technique avec une vision autogestionnaire et anticapitaliste des connaissances techniques et scientifiques avec pour inspiration la culture du logiciel, du matériel libre, et des médias alternatifs. Ce sont des laboratoires communautaires ouverts pour le partage de ressources et de savoirs.

Dans ces lieux la relation au capitalisme, à l’écologie ou à la justice sociale n’est pas toujours formulée. Christina Haralanova, activiste et féministe observe que ces espaces sont majoritairement occupés par des hommes cis hétérosexuels blancs de classe moyenne, malgré les valeurs d’ouverture annoncées[16]. La mise en commun de savoirs techniques vise à l’émancipation, à la collectivisation, à la résistance contre la privatisation et la fermeture des technologies mais nécessite alors un positionnement politique et social clair. Suivant un idéal de technologie accessible, les femmes, personnes queer, personnes racisées restent pourtant en sous-représentation dans les hackerspaces, espaces où se rejouent les privilèges. A la suite de cette critique, l’envie émerge d’espaces safe, pensés par les hackers makers et technologistes féministes. Les études sur ces espaces sont souvent ethnographiques et sont construites avec des interviews de participant..es et d’organisateur..ices de ces lieux.

Un hackerspace féministe ouvre à plus de diversité et de nuance, par conséquent il est difficile à généraliser, à catégoriser. C’est un cadre où questionner les normes, narrations et systèmes acceptés. Les hackers et makers féministes expriment un besoin de transformation et de renouvellement en questionnant les idées centrales des valeurs du hacking (ouverture, partage, décentralisation). Les hackers féministes avancent que les problèmes systémiques et structurels (racisme, sexisme, transphobie, queerphobie…) sont intégrés socialement et donc se manifestent dans la culture du hacking. I..Elles tentent de questionner une variété de systèmes oppressifs à travers des idées féministes intersectionnelles et en portant une attention à la question du genre. L’intersectionnalité, comme Sophie Toupin la décrit, est une compréhension qui requiert l’engagement avec la culture, la classe, la sexualité, l’ethnicité, le genre et les autres structures de pouvoir qui engendrent des inégalités. I..Elles reforment la définition de hacking comme un moyen de hacker la vie dans toutes ses formes et de gagner en autonomie.

Déjà cité précédemment, le Mz* Baltazar’s lab à Vienne a été formé par Stefanie Wuschitz. C’est une infrastructure féministe qu’elle décompose dans un article[17] en précisant que cet endroit fournit des outils et équipements open-source à ses participant..es, et enseigne au travers de workshops d’un ou deux jours des compétences techniques comme souder, coder, démonter du matériel informatique. Le partage de savoir et de compétences se concentre également sur des questions d’écologie et d’origine du matériel, de la génération d’électricité à la construction de hardware avec des composants électroniques. Ces activités s’additionnent et mènent à des documentations, des manuels qui sont partagés au sein du lab. Ce lieu est un exemple qui permet de voir les hackerspaces féministes comme des endroits où penser et créer en dehors des normes.


  1. Serveurs
Capture d’écran de l’écran d’accueil du Anarchaserver

La pratique du hacking féministe et ses valeurs se retrouvent également dans des espaces hors-ligne. Les serveurs informatiques sont utilisés pour naviguer sur Internet, pour envoyer des courriers électroniques ou pour stocker des fichiers en ligne. La majorité des serveurs sont privés et fonctionnent en continu. Ils contiennent de grandes quantités d’informations ce qui pose des questions de sécurité et de moralité. Il existe cependant des serveurs autonomes qui sont administrés chacun selon leurs propres valeurs. Un exemple est le Low-Tech magazine[18], hébergé de manière autonome et qui ne fonctionne que lorsqu’il a accumulé assez d’énergie solaire. Mais il existe aussi d’autres initiatives de serveurs autonomes.

Anarchaserver est un serveur féministe qui contribue à la maintenance d’infrastructures autonomes sur Internet pour des projets féministes[19].

C’est un projet ouvert, qui privilégie la confiance, le consensus, l’autonomie et la collaboration pour prendre des décisions, habiter ces infrastructures et en synchronicité avec d’autres initiatives féministes de serveurs. Le serveur est présent dans différents lieux comme Calafou, la Belgique, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, les Pays-Bas, le Mexique, la Suède, l’Uruguay… et suit des politiques transféministes, anticapitalistes, décolonialistes en visant à créer une solidarité interespèces avec d’autres corps, la nature et les machines. L’idée du serveur est née lors de la Trans Hack Feminist Convergence en 2013 à Calafou.

SpiderAlex défend l’idée qu’un serveur indépendant doit devenir un objectif politique pour les organisations, les communautés dans la justice sociale qui sont concernées par l’achèvement d’autonomie dans la communication et dans la sécurisation des données des réseaux de communication.


Pour des communautés durables

  1. En réponse à des biais de genre

La violence en ligne est liée et amplifiée par rapport à la violence hors-ligne[20]. On observe une création d’une industrie autour du profilage des utilisateurs, en lien avec la politique des vrais noms, le suivi de données, la centralisation d’Internet. Les temps où on pouvait être confondu avec un chien ou un cyborg sur Internet sont révolus. L’Internet n’est pas un endroit sécurisé et le contenu des femmes et LGBTQI+ est censuré, supprimé, empêché d’être vu ou entendu.Peter Steiner, On the Internet, nobody knows you’re a dog, New Yorker, 1993

Cette violence basée sur le genre a lieu sur des plateformes monétisées (Facebook, Twitter) mais aussi sur des espaces en ligne sans but lucratif (Wikipédia) qui concernent de grandes communautés conduites par des politiques et des règles de conduite qui pourtant laissent perdurer l’intimidation et la discrimination. Les biais de genre dans la technologie en général la rendent dangereuse, par exemple les algorithmes basés sur des modèles qui ne considèrent pas une diversité de corps.

L’informatique est également un domaine qui a été fortement masculinisé dans les années 1990, ce qu’analyse Isabelle Collet dans son ouvrage Les Oubliées du numérique[21]. L’ordinateur est vu à ce moment comme un moyen de gagner du pouvoir et de générer du profit. Les femmes, à l’origine majoritaires dans ce domaine, ont été évincées. Isabelle Collet développe la manière dont les stéréotypes de genre et le sexisme ont conduit à cette non-inclusion des femmes dans l’informatique.

En réponse à ces violences et ces stéréotypes, les infrastructures technologiques féministes proposent de mettre en avant le bien-être des participant..es à travers l’éthique du care et en se constituant comme des espaces réparateurs.

  1. Ethique du care

L’éthique du care est un concept développé par Carol Gilligan, philosophe et psychologue qui critique la vision patriarcale de la moralité en proposant une vision morale et éthique qui ne fait pas de différence selon le genre. L’éthique du care concerne le soin du quotidien, le fait que chacun..e s’occupent et se soucient des un..es et des autres en veillant au bon fonctionnement de la communauté. Anne Goldenberg traduit également l’expression éthique du care par « politique du quotidien » en référence à Sandra Laugier, philosophe[22]. Cette activité est identifiée comme une responsabilité féminine et souvent non rémunérée.

Anne Goldenberg défend qu’en cessant de le reléguer à une éthique féminine et en légitimant son sens social fondamental, alors seulement le care deviendra un projet politique, une éthique féministe. Par le biais d’une politisation du quotidien, des relations d’entraide, d’écoute, de respect et d’attention à soi et aux autres se développent. Il s’agit de bien-être physique, psychologique, et de comment on se mobilise face à l’exclusion, au sexisme.

Hacking With Care est un collectif de hackers, d’artistes, de sociologues qui croisent l’éthique du care à l’éthique hacker. I..Elles mettent en ligne des ressources et des outils libres et collectifs, en convergeant les besoins de care dans les communautés hackers où la santé mentale et le soin du corps sont parfois peu questionnés, et les besoins d’outils venant de hackers à destination de cell..eux qui soignent, comme la protection des données et la cybersécurité. I..Elles visent à former un réseau de confiance[23].

  1. Espaces réparateurs

Les infrastructures technologiques féministes sont des lieux de réparation des machines et des corps. Restorative infrastructures est une plateforme qui réunit des artistes, chercheur..euses comme Anne Goldenberg, Paula Pin, Kristina Haralanova ou Stefanie Wuschitz avec l’intention de partager des ressources éducatives pour des communautés interdépendantes et durables. Les partenaires du projet sont des hackers et des makers venant de communautés minoritaires qui forment un réseau d’adeptes de l’open-source avec une perspective féministe et écologique travaillant en collaboration horizontale[24]. Cette plateforme aborde la notion de système réparateur, un système où l’on fait de la place pour le conflit, en ayant conscience qu’un groupe comprend des dynamiques complexes de pouvoir et au sein de chacun..e des traumatismes, habitudes de honte et de faire la honte de.

L’intention d’un système restaurateur est de créer les conditions d’une healing culture, une culture de la guérison. Cela se déploie, dans les cercles réparateurs, par une écoute des récits de chacun..e, leurs histoires personnelles d’oppression, de peur, de traumatisme. Le but est que chacun..e se sente écouté..e et entendu..e. En atteignant une compréhension mutuelle et un désir de contribuer, une forme de réparation est atteinte[25].

La pratique du soin et du bien-être sont des moyens d’encourager l’altruisme et d’incarner un réseau de confiance. Ces réseaux de personnes en ligne et hors-ligne mettent ainsi en place des ressources dans une recherche d’inclusion et de partage.


Archivage, documentation, mise en place de ressources

  1. Documentation non-linéaire
Capture d’écran du Cyberfeminism Index, octobre 2022

Documenter dans le prolongement des valeurs diffusées par les infrastructures technologiques féministes signifie mettre le plus possible de ressources en ligne libres et ouvertes. Il s’agit aussi de pouvoir prolonger l’idée d’une pratique non-linéaire et non hiérarchique, ce que propose Mindy Seu, designer et chercheuse, qui se consacre depuis quelques années au projet Cyberfeminism Index. D’abord un spreadsheet Google, puis un premier catalogue imprimé Cyberfeminism catalog le projet s’est poursuivi sous la forme d’un site web développé d’autres collaborateur..ices. Le site est encore mis à jour actuellement et un nouveau catalogue est en cours d’impression. Le site se veut comme la base de données de travaux, sources et références multiples rassemblées. Mindy Seu tend à rendre visible les nombreuses voix qui ont agi, créé, écrit entre technologie et féminisme.

The New Woman’s Survival Catalog, 1973

Elle s’inspire du New Woman’s Survival Catalog, un guide de ressources publié en 1973, assemblé lors d’un road-trip réalisé pendant cinq mois par Susan Rennie, autrice, et Kirsten Grimstad, docteure en littérature. En référence au Whole Earth Catalog, catalogue DIY publié en 1968, le New Woman’s Survival Catalog montre un réseau de pratiques alternatives féministes des années soixante-dix, depuis des librairies indépendantes, à des questions autour de la santé, aux centres d’éducation.

Mindy Seu développe un travail de recherche, intéressée par la citation et comment cela légitimise les pratiques[26]. Le partage de ses recherches prend forme suivant l’intention d’accessibilité, qui se décline en un site open-source, open access et sourcé. Elle utilise également l’expression dans les interstices, comme si le Cyberfeminism Index était au cœur des interstices du web[27]. Cette expression est héritée d’Anna Tsing, autrice du Champignon de la fin du monde, qui explique que les allié..es se trouvent dans les interstices et de la nécessité de bâtir dans un monde en ruines. Mindy Seu fait le lien entre ces notions et l’informatique en s’intéressant au glitch, à l’erreur, à la fuite. Elle prolonge aussi cette idée de détournement de l’ordinateur en se référant à l’inutile, au poétique, qui selon elle vient se placer en opposition et même en provocation face à une informatique efficace, utilisable, productive.

  1. Manières de documenter libres
Editions CyberSorcières, Lucile Olympe Haute

Lucile Olympe Haute est à l’initiative de Cybersorcières, une microédition web to print réalisée avec des étudiant..es autour de textes cyberféministes. La troisième édition de Cybersorcières permet par exemple de croiser des textes qui étudient des concepts clés des cultures numériques, croisés à des perspectives contemporaines. La réalisation collective de l’édition permet de mettre en application les notions étudiées à travers l’usage d’outils libres, ici le web to print (ou « code to print »). L’édition repose sur l’appropriation de langages web comme l’HTML et le CSS qui sont libres et qui permettent de générer un PDF d’impression sans passer par des logiciels propriétaires[28].

Les infrastructures féministes technologiques semblent mettre en place des espaces, des serveurs, des outils, des ressources, qui engagent vers des futurs désirables. Elles questionnent l’état du monde et cherchent comment exister, bâtir ensemble, être autonomes sans vouloir le rentable et l’efficace à tout prix, mais en prenant le temps de comprendre les mécanismes et en acceptant l’erreur, l’inutile, le poétique, le repoussant.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

La cabane

Vous arrivez devant la porte en bois de la cabane, légèrement entrouverte. Une force inconnue vous pousse à tourner la poignée et à rentrer à l’intérieur. Vous ouvrez la porte en grand. Devant vous, la pièce en entier, des étagères qui débordent, un bureau, le sol est en terre battue et au fond il y a un duvet. Au milieu de la pièce, il y a un poêle à bois et quelques coussins devant. En avançant vous vous retrouvez devant le large bureau en bois, vous vous asseyez sur la chaise. En face de vous, un ordinateur endormi. Vous le réveillez.

 les leds autour clignent doucement

erreur erreur erreur

il y a 10 000 icônes sur le bureau

la mémoire enfouie au fond d’un disque dur

je cherche le message à déchiffrer

Il suffit de peu de temps pour que sur l’écran s’agitent les couleurs et les formes. Cela ne ressemble à rien que vous ayez déjà manipulé. Vous trouvez comment entrer dans un des dossiers de l’ordinateur, vous faites défiler les images et les mondes nouveaux qui s’offrent à vous. Le diaporama finit éventuellement par crasher, et lorsque vous tentez de le raviver, c’est une toute autre collection d’images qui s’offre à vous. La machine semble se jouer de vous, tout semble désordonné et aléatoire. Vous plongez dans les interstices de la machine.


la cabane rassure et garde les secrets

elle écoute et prend soin

répare et rafistole en se tenant solide sur ses fondations


Vous laissez l’ordinateur allumé, et vous suivez du regard des câbles électroniques qui s’entremêlent sur le bureau. En cherchant d’où ils viennent, vous trouvez les placards qui débordent et dont le matériel dépasse et envahit la pièce. Vous cherchez encore à comprendre la nature de ce lieu, vous reconnaissez des composants électroniques mais certains -probablement inventés dans ce lieu- vous sont étrangers. Pour vous en servir il faudrait quelqu’un à vos côtés pour vous guider. Vous commencez à vous sentir seul..e, vous vous asseyez au bord de la fenêtre, l’air est frais et vous pensez à ce qui vous entoure.


dehors il y a le monde où je suis né..e

qui crie / fourmille / brûle / s’empile

le temps passé dans la cabane, personne n’en sait rien

celle..ux qui viennent ont su lire entre les lignes

arroser les graines et cultiver les fruits


Autour du poêle, les coussins sont en cercle. Leur tissu est usé, ils sont recouverts de papiers aux écritures différentes. Il y a des schémas, des croquis et des pages de journal intime. Vous imaginez le lieu habité, les voix qui se mêlent au-dessus du crépitement du feu, l’odeur de nourriture. Il y a des bols sur le sol, qui ont été fendus puis recollés. Certains bouts ont dû être perdus, certains sont de travers et irréguliers.

Près du duvet, vous trouvez la table de nuit, et dessus un carnet sur lequel est posé un bocal. Vous prenez le carnet pour le consulter, mais le bocal tombe au sol en répandant un liquide vert sur le sol. L’odeur très forte vient jusqu’à vous, d’un coup vous avez sommeil, vous vous allongez sur le duvet en pensant à cette cabane et à toutes les histoires que vous imaginez s’être déroulées en son sein. Vos pensées sont brumeuses, vous tombez dans un sommeil profond.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Être maladroit..e avec soi, avec les autres, au futur

Pratique spéculative

  1. Fabulation spéculative

We live in capitalism. Its power seems inescapable. So did the divine right of kings. Any human power can be resisted and changed by human beings. Resistance and change often begin in art, and very often in our art, the art of words.

Sophie Toupin et SpiderAlex introduisent la revue numéro 13 de Ada, Radical Feminist Storytelling and Speculative Fiction: Creating new worlds by re-imagining hacking avec cette citation d’Ursula Le Guin[29]. Cette revue tend à être une galaxie de pratiques féministes imaginaires technologiques et artistiques. Elle interroge la pratique du faire ensemble (Do It Together), qui n’est pas réduite à une production matérielle ou concrète mais qui concerne plus largement l’action de penser, imaginer ensemble au travers des histoires et témoignages de tous..tes. Il s’agirait alors de désassembler les savoirs, les déglorifier et reconnaître quand les sciences les ont effacés ou volés. Réimaginer ces savoirs et les penser au futur est alors vu comme une sorte de bidouillage, une sorte de hack. Faire spéculation permet aussi d’entendre les contradictions, les incertitudes.

L’expression fabulation spéculative (ou narration spéculative) est utilisée par Donna Haraway, philosophe des sciences, dans Vivre avec le Trouble pour aborder le rejet de la part des récits scientifiques de la fiction en se voulant être des miroirs de la vérité. Elle argumente que les savoirs scientifiques sont des tissages de fiction et de faits. Ces tissages laissent place à l’interprétation et l’imagination, ils permettent de réaliser cette galaxie de pratiques citée plus tôt. Par le biais du storytelling, il s’agit de construire collectivement des futurs en pensant, écrivant et en recherchant, liste à laquelle je rajoute en hackant. Démonter, bricoler, souder pour envisager de nouveaux récits, qu’ils soient scientifiques ou au croisement de pratiques artistiques, technologiques, féministes.

  1. Pratique collective de l’écriture fictionnelle

L’écriture est une des pratiques présente au sein des espaces collectifs comme les hackerspaces, utilisée aussi comme un outil pour spéculer. SpiderAlex s’intéresse à la question d’un futur féministe qu’elle met en place à travers des ateliers d’écriture. Elle qualifie la spéculation comme une pratique au sein des hackerspaces féministes comme un « moyen de faire des mondes qui n’empêchent pas d’agir ».

La Résille est un projet reprenant l’idée d’atelier d’écriture fictionnelle. Dans une conférence lors d’un festival autour de la science-fiction, trois fondatrices du projet reviennent sur leurs intentions de créer des « labos fiction », c’est-à-dire un format de création collective avec un temps et un nombre de gens déterminé qui part d’un scénario et qui prend la forme d’un jeu de rôle[30]. I..Elles ont imaginé des ateliers en non-mixité enregistrés dans le but de pouvoir être retranscrits à l’écrit. Les sujets sont articulés autour du féminisme et du numérique.

Les participant..es s’imaginent vivre dans un récit fictif d’un monde alternatif au nôtre, où les femmes seraient encore employées en masse dans le domaine de l’informatique comme elles l’étaient dans les années 1970. Dans ce récit, Internet n’est pas développé comme aujourd’hui, les hommes utilisent encore le minitel -certes avec des écrans plus plats- et les femmes utilisent La Résille, un réseau Internet national imaginé, « des ordis gérés par des meufs ». Le patriarcat et le capitalisme sont cependant toujours en place. Les personnages créés sont aussi des personnages où s’identifient les participant..es. L’un des lieux fictionnels créés durant les ateliers s’appelle le Compost, en référence à Donna Haraway qui file la métaphore dans Vivre avec le Trouble du compost comme mémoire vivante, une matière qui est transmise et utilisée plusieurs fois.

Illustration du Compost, La Résille

Le but de ces endroits collectifs et de ces personnages créés est de pouvoir se rassembler et imaginer des futurs désirables, des futurs qui donnent envie. D’atelier en atelier, les ficelles se tirent de participant..e à participant..e.

Ce qui a rapproché les participant..es de ces ateliers est « le besoin d’apprendre ensemble et de s’approprier des espaces, des savoirs qui ne leur sont pas dédiés à l’origine » et l’envie de partager des compétences dans des formats non pas formels mais plus incertains. Ces ateliers ont servi à créer du lien et de la passation de savoirs, dans une recherche d’autonomie.

Par rapport à l’écriture fictionnelle, i..elles citent en référence des autrices comme Ursula Le Guin ou Monique Wittig. De ces ateliers d’imaginaire qui ont eu lieu en ligne, des envies de projets tangibles ont émergé comme la Réticule, un micro-ordinateur qui se porte au poignet.


  1. Design spéculatif féministe
Yang Emilia, Marias Clandestinas

Les projets comme la Réticule montrent que depuis l’écriture spéculative se développent aussi des projets tangibles de création d’outil. La pratique de la spéculation se fait également dans ce que qualifie Emilia Yang, artiste et universitaire, de « design spéculatif critique ».

Le design critique spéculatif (DSC) est apparu comme discipline enseignée dans les années quatre-vingt-dix au Royal College of Art à Londres, en réaction à l’impact de la culture de masse et au développement technologique (ordinateurs personnels et réseaux de communication) ainsi qu’une prise de conscience de l’impact et de la responsabilité des designer..euse[31].

John Thackara, écrivain, critique dans un article écrit en 2013 les designers de cette discipline leurs reprochant en résumé leur position d’homme blanc occidental privilégié à l’origine de projets ne réussissant pas à se positionner sur les problèmes systémiques[32]. Dans son essai Critical about Critical and Speculative Design, Matt Ward, designer et écrivain, revient sur les différentes critiques autour du design critique spéculatif, sans leur donner tort mais en ajoutant que le DSC permet de « capturer l’imagination sociale à travers l’articulation matérielle des conséquences possibles; une expérience de pensée rendue concrète, qui permet une interrogation collective ». Il ajoute que de tels..les designers..euses ont alors besoin de pouvoir se reposer sur des infrastructures de support, dans une écologie de confiance, où la fiction active la pensée. Le support et la maintenance de ces infrastructures sont selon lui ce qui est le plus difficile à atteindre dans l’éducation supérieure contemporaine.

“Hard times are coming, when we’ll be wanting the voices of writers who can see alternatives to how we live now, can see through our fear-stricken society and its obsessive technologies to other ways of being, and even imagine real grounds for hope. We’ll need writers who can remember freedom—poets, visionaries—realists of a larger reality.” (Le Guin, 2016, citée par Matt Ward)

D’après les travaux de groupes transféministes autour de la gynécologie DIY, Emilia Yang réalise Marias Clandestinas, un projet spéculatif autour de l’usage de l’impression 3D au travers d’une vision féministe et décoloniale afin de combattre les privilèges et donner accès à des kits d’avortement clandestins pour les endroits où il est interdit. Ce projet répond à la montée d’un réseau d’avortements DIY et d’un nombre d’outils personnalisés open-source.

Les infrastructures technologiques féministes me semblent être des endroits dont les intentions et les valeurs permettent une pratique spéculative inclusive, sans faire de différence entre l’écriture ou le design. Il me semble que la construction de ces futurs désirables ne craint pas l’erreur, la maladresse, la remise en question, la transformation. Les incertitudes et les contradictions de ces récits se reflètent également dans une pratique de la maladresse dans le hacking féministe.


Pratique maladroite

La maladresse offre un espace de questionnement, un espace où inventer des possibles, elle crée de l’ambiguïté, une incertitude. Elle provoque des réactions, de la compassion ou de la stupeur, elle pousse à agir. Claudia Herbst, théoricienne des médias et artiste, et Helen V. Prichtard, professeure associée en technoscience féministe queer, déploient des intentions de pratiques transgressives de l’informatique face aux codes dominants. Leur discours permettent de réfléchir à des notions dans les interstices des technosciences féministes, comme l’erreur, la maladresse, l’abstraction, la non-efficacité. Elles font le lien entre les pratiques hacker du détournement et des pratiques féministes qui luttent pour l’inclusion et la diversité. Dans les idées de Claudia Herbst et Helen V. Prichtard je trouve des pistes de réflexion dans l’informatique, et dans la modélisation 3D qui engagent un point de vue féministe et hors des codes.


  1. Pratique de l’abstraction et de l’erreur dans l’informatique
Claudia Herbst, Untitled #34, image générée par ordinateur résultant d’erreurs de rendus

Claudia Herbst écrit en 2001 dans un article[33] à propos du domaine des images graphiques informatiques que l’erreur y est inacceptable et qu’on observe une tendance au réalisme voire à l’hyperréalisme.

Dans son travail, l’abstraction, en opposition à la figuration, fonctionne comme un moyen de résistance à l’ordinateur comme « outil immaculé » et à la culture qui y est associée. Elle voit le code comme la rationalisation catégorique du langage et considère que comme forme de texte il n’a pas de qualité poétique et qu’il est extrêmement genré par sa manière d’être généré de manière prédominante par des hommes : il est linéaire et hiérarchique dans sa structure, préfère la singularité à la multiplicité, en faisant miroir au patriarcat.

Claudia Herbst recherche l’abstraction en réponse d’un côté à la tendance à l’hyperréalisme et de l’autre côté en réponse à la nature genrée du médium. Elle développe également l’idée de pousser à ses limites un système ou un programme. Elle met en place des processus voués à l’erreur. En forçant des processus dans des interprétations non linéaires, en les interrompant, les dérangeant, elle manipule les processus linéaires, hiérarchiques et rationnels.

L’abstraction sert comme un outil pour résister et pour la subversion. En introduisant la malfonction Herbst conclut son article en espérant être « témoin du triomphe de l’émotionnel sur le rationnel, du multiple sur le singulier, du circulaire sur le linéaire, de l’éducation sur la domination et l’autorité ».

J’associe les transgressions à l’hyperréalisme de Claudia Herbst à un hack des codes de l’informatique. L’erreur y est une forme de maladresse, bien qu’elle soit recherchée et permet une pratique non-linéaire, non hiérarchique et non rationnelle. Cette pratique introduit la malfonction, ou non-fonction, elle permet d’aller aux limites des logiciels ou langages de programmation utilisés jusqu’à se désapproprier de leur fonction première.

  1. Volumétrie queer

Helen V. Prichtard reprend le terme clumsy dans son article Clumsy Volumetrics, qui est publié dans l’ouvrage DATA browser 8 VOLUMETRIC REGIMES : Material cultures of quantified presence. Clumsy est traduit par maladroit, pataud, gauche et est aussi utilisé par Sara Ahmed dans Queer Phenomenology, dans lequel elle étudie la notion d’orientation, qu’elle croise à des textes phénoménologiques et des textes de théorie féministe et queer. L’orientation est la ligne qu’un corps suit, elle le matérialise et lui donne forme. Les pratiques de la modélisation 3D matérialisent des espaces qui sont habitables par certains corps et pas par d’autres, ceux qui ne sont pas droits, qui ne correspondent pas aux scripts déjà écrits.

Helen V. Prichtard reprend les arguments de Jara Rocha et Femke Snelting, auteur..ices, selon qui les volumétriques contemporaines suivent une topologie coloniale, capitaliste, hétéro-patriarchale et positiviste[34]. D’après l’étude du concept de « monde » dans le logiciel de modélisation 3D Blender, elle argumente qu’on voit que les possibilités pour les corps sont déjà scriptées, prédéterminées. C’est également le cas pour les orientations dans lesquelles se déploie le corps. Sara Ahmed argumente qu’il y a moins de place pour les corps pour remuer, moins de liberté (less room to wiggle). Selon elle, la maladresse est le moyen de former une éthique queer, afin de générer de nouvelles ouvertures et possibilités. De former des corps qui ne sont pas droits. Selon Ahmed encore, la maladresse n’est pas toujours un processus qui rassemble, mais un moment désiré de choc avec le monde.

Helen V. Pritchard pose la question : peut-on orienter des pratiques volumétriques qui donnent de la place aux secousses, qui dévient de la droiture et qui ouvrent de nouveaux chemins libérateurs ? Ces pratiques maladroites s’inscrivent alors dans un processus de décentralisation et de décomposition, par la revisite d’outils et de pratiques pour mieux comprendre les conditions de leur constitution. On parle de contournements, d’interventions, que j’associe au hack.

D’après Femke Snelting, la maladresse est comme une stratégie pour créer de l’interférence, pour créer des moments pivotants entre tomber et bouger, un entre-deux maladroit qui fait de la place pour penser sans nous stopper d’agir.

  1. Pour une pratique trouble et fluide

Les pratiques spéculatives et maladroites que je déploie proposent des pratiques non-linéaires, anticapitalistes, anti-hétéropatriarchales, décoloniales. Elles proposent de ne pas suivre les scripts déjà écrits, de les réinventer, une informatique maladroite contre les lignes droites et pour un monde sans stabilisation.

La maladresse vient comme une intervention désirée, qui vient créer des subjectivités, dévier les fonctions premières et la droiture. Elle crée un espace alternatif trouble et entame une décomposition des codes dominants. Elle permet la désappropriation des scripts pré-écrits pour permettre une réécriture consciente de futurs désirables, maladroits, subjectifs, contradictoires, irrationnels, détournés.

C’est la dernière sous-partie de mon mémoire, je suis nourrie de ces valeurs, et j’aimerais tout oublier des scripts déjà écrits. Parfois il me serait souhaitable de ne rien savoir des codes préexistants, de ces scripts, que j’ai appris docilement et dont je dois me forcer à me détourner pour adhérer à un monde qui m’enchante plus. J’aimerais être dans la désappropriation de ces codes, prétendre ne rien savoir d’eux et hacker avec plaisir. Le détournement précédemment étudié autour du hacking se traduit en anglais par misappropriation. J’ai l’impression d’y lire « un malentendu d’appropriation », une mauvaise utilisation intentionnée, une maladresse radicalement voulue.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Le duvet

Vous vous réveillez, le liquide vert a séché au sol, dehors il fait nuit et il pleut.

Vous décidez de rester dans la cabane le temps de vous abriter et de retrouver vos esprits.

Vous avez rêvé de cet endroit habité; de la douceur du soleil du matin sur le rebord de la fenêtre; du bruit presque imperceptible des branchements électriques. I..Elles ont parlé fort les soirs d’hiver et murmuré les matins d’été.

la bouilloire qui siffle et le clavier qui cliquetique

c’est comme si vous aviez toujours connu cet endroit

les contours sont flous il n’y a rien sur le reste de la carte

ici c’est la fin de la matrice

Vous avez repris des forces dans la cabane, arrangé quelques branchements et chassé la poussière. Les journaux intimes éparpillés sont refermés, l’ordinateur est éteint.

les scintillements des leds laissent des marques sur ma rétine

J’éteins la machine et je me retire du réseau

pour en former et en rejoindre d’autres

dans mon laboratoire il y a des fluides qui ont coulé au sol

les serveurs me tiennent chaud

Il est temps de continuer sur le chemin.


il est temps de se retrousser les manches

pour écrire, faire, monter, démonter, mettre en place

le laboratoire où prendre place

les cabanes sont nombreuses

et leurs habitant..es tissent ensemble les réseaux

il faut tendre l’oreille pour entendre les bruissements qui importent

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Conclusion

ClumsyFemLab est un kit de survie qui contient des noms, des textes et des outils pour nourrir une pratique technologique féministe qui recherche dans le hack un moyen d’écrire des récits alternatifs. C’est une pratique que je tisse maladroitement entre les lignes de mon ordinateur lorsque je suis toujours à la recherche de nouvelles ressources enchantantes et lorsque je rejette des situations problématiques qui me mettent mal à l’aise.

Les pratiques du hacking féministes trouvent leur source dans le libre, basé sur des notions d’ouverture, de partage et de transparence. Elles sont interdisciplinaires, entre la biologie, l’électronique, la chimie, la médecine, l’informatique, les sciences sociales et l’art. Elles créent des pratiques fluides entre recherche et technique qui se réapproprient, critiquent et comprennent les technologies.

Ancrées socialement, ces pratiques questionnent l’inclusion, l’interdisciplinarité et l’expérimentation et se développent dans des infrastructures technologiques et dans des hackerspaces féministes qui sont des réponses aux discriminations expérimentées dans les hackerspaces dits « traditionnels ». Ces espaces appellent à la diversité et à l’inclusivité en mettant en place des politiques du quotidien, de l’écoute et de l’attention à chacun..e.

Les pratiques du hacking féministe rendent visible les systèmes internes ainsi que les discriminations systémiques. Au travers du hack, i..elles démontent les machines et les codes sociaux, i.elles réparent les corps et les machines. I..Elles inventent des futurs désirables au sein de communautés durables. A travers la spéculation, dans des formes d’écriture ou de design, des récits émergent contre les systèmes d’oppression. En opposition à l’utile, l’efficace, le lisse, la pratique de la maladresse vient se placer dans les interstices du hacking féministe. La maladresse détourne, rentre en collision, provoque l’erreur et l’étonnement. Elle se désapproprie du capitalisme, du patriarcat en proposant une vision du monde instable, irrationnelle, plaisante.

J’aimerais créer mon propre laboratoire expérimental avec des petits bouts que je pioche dans le tissage que j’ai fait des textes technologiques et féministes. Le laboratoire est l’endroit des expérimentations et des processus, des projets qui prennent du temps et qui ratent.

Je suis en sécurité dans le laboratoire et je regarde le monde en ruines à travers la fenêtre. Les récits maladroits je les écris encore et encore.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

Annexes

Manifeste de PechBlenda

tRANS hACK fEMINISt

Pechblenda lab was born out of the necessity to generate a space in Calafou (a community in a large former industrial space) for us to flourish, a non-patriarchal TransHackFeminist space where free knowledge springs from raw experimentation (electronic repairs, experiments with turbines, bioelectrochemistry, sound … ) and self education.

Sick of the filthy dust, montonous and boring, of stagnant, unbreathable, competitive and excluding environments, of semi-free information which is actually totally controlled, power and decision of hunched up egocentric and infantile machos. Tired of repressed, impenetrable and homogenous bodies, we are resetting and migrating our bodies, modificable codes, lubricated and fluid, far from this sad landscape.

Tired of the useless and recursive manipulation of information, we study, construct and fail with all that is around us, with multiple, monstruous and hateful ends. From the expansion of information to the mutation of dispositives, we want to hack and recodify everything that is static and programmed by social and technological imposition.

PECHBLENDA is injected into our veins as an antidote to the heteropatriarchal arrogance that surrounds us. A disturbance, a transhackerfeminist electronic distortion.

We have found the place for our rituals, we had dreamed it, written it in science fiction.

Now we live it with high voltage potentiality, with the intensity of the shadows, taking off together with desires in common, with our differences.

The walls tremble and the water penetrates the tiny holes, it expands like an unbreakable code exciting our neurons ; we change the apparent path of events transiting antimelodies, noise as arithmetic opening, outside of the calculated and homogenous, noise feeding unlimited experimentation.

If we cant make noise its not our revolution.

Improvised performance creating and breaking codes, constructing hybrid machines. Beat roots and obscure mutant landscapes that become the uncontrollable secretions of our desires. Electronautics and bioelectricity that chemically saturate the environment, the acid smell of our hormones shakes the space, resituated amongst cables, resistences, condensors and corrosive liquids.

Nature and technology are not different, nature was to the witches what technoscience is to us, the cyborg witches. We infiltrate the machine with our hands, sweat and disperse attention, we prepare ourselves for inexact verification where the apparent error is desired, where we fail, fuck, we are.

We are geek whores, cyborg bitches. We devour Haraway and Asimov, Preciado and Python manuals, Itziar Ziga and Neil Stephenson, Margulis and Despentes, hackmeetings and transfeminist workshps, DIY electronics and sexual bricolage ; we absorb PDFs of electronics theory y listen to psicofonias from around : we read and design circuits, and experiment with them in our bodies.

We scream noise and cyborg covens, soldering and alchemy, we spit out performances and install gnu-linux, we love recycling and reparing with our breasts bared.

We laugh about everything, about ourselves .. we detest the politically correct. We parody what is socially understood to be feminine, what is supposed to be masculine. We question the identity of assigned genders, we exagerate it, ridiculise it. Extremely sexual, ironic, sarcastic, we love to party, to not sleep, to take drugs if we feel like it, to go with our friends or to finish a circuit or improvise an eternal noise jam.

Fed by pornoterrrorism and free culture, we know how to use our claws and teeth if needs be.

Philippine Talamona

Manifeste de GynePunk

Science/Visceral DEcolonization

Medical institutions use prohibitive and creepy technologies, patriarchal conservatives and dark methodologies to diagnosis, to read them and apply their vivisection treatments. In gynecology particular case, it’s reach an inquisitive, paternalistic and fascistic attitudes.

To make a fucking simple yeast or gardenella exam, for name any, it seem not enough to swallow tortuous waiting rooms of the CAP (public assistance health centers), or being compel to answer (as accumulated vomits) bureaucratic, statistical forms that performs a role of popular judges of your practices, capacities or choices. Gossip questions full of moral pervert scorn, seeking data about your promiscuity, drug use, sexual orientation, hygienic practices, or squat relations… just cause how your look! & don’t mention abortion, now is just like talk about sorcery!! a politic anachronism!

The technical control of the diagnosis generates extreme dependence an a classicist deep gap of knowledge. Patients are ignorant slaves of lab diagnosis technologies that send a message only translated and read by the doctors that in some kind of possession of the clinic oraculo have the only sacred truth.

BUT… There’s no need of hi-tech machines for some tests! not even phd`s in microbiologic surgery to generate accurate and self-aware diagnosis.

I don’t want to be forced to enter into their hygienist temples, in veiled body jails, in those fabrics of corporal standardization and sickness limited parameters. I want glandular heretics, akelarres gynepunks, DIY abortive pots, midwife gangs, glitter abortions, spill placenta in every corner, hack analytic technics, ephemeral biolabs, DIT labs, hi-tech nursery secret meetings, black coats, chess coats. Self blood donations & extract our own blood, and trough it like a furious volcanic river of our anger in the door of the fucking parlament!! gynepunk is a extreme and accurate gesture to detach our boudy of the compulsive dependency of the fossil structures of the hegemonic health system machine.

gynepunk’s objective is to make emerge DIY-DIT accessible diagnosis labs and technics in extreme experimentation, down the rocks or elevators if is necesary. Has to be possible in a situated stable place or/and in nomadic mobile labs. Has to be able to perform as much as WE WANT, in a intensive way: smears, fluid analysis, biopsy, PAPs, synthesize hormones at will, blood exams, urinalysis, HIV tests, pain reliefs, or what ever WE NEED. Hack and build our own ultrasound, endoscope or ecography devices in a low-cost way. All this in a strict complementation with herbs and natural knowledges, oral traditions, submarine recipes, seeking with hunger generate superavit of DIY lubricants, anti-conceptives, open doula domains, savage caring of any visceral hands on technologies, as menstrual extraction, all elevated at maximun potential of common learning and radical self-body-power…!

gynepunk is based in scientific methodology and discipline and in the knowledge that comes thought the experience of each body, ancestral body wisdom, that’s why documentation, memory in any form is essential! in ANY format: visual treasures, sound mines, microscopic riddles, biologic cabinets, microbiologic growing centers, online seedbanks, fluids archives, fanzine-paper sms, oral decoding chorus, self vudu healing rituals. Like this other gynepunks will ferment and mutate going fast forward to a explosive and expansive movement towards radical experiments, collective strong confidence, to build our-body politics. Something that is Vital to share and spread in infinite pandemoniums.

no body can burn US! NO ONE!

the witches NOW have the flames// Ahora las brujas tenemos las llamas

Philippine Talamona

Philippine Talamona

Iconographie

Peter Steiner, On the Internet, nobody knows you’re a dog, New Yorker, 1993
Capture d’écran du manifeste de PechBlenda, https://pechblenda.hotglue.me/?transhackfeminism_en
Schéma du projet Open Source Estrogen, Hackteria
BioTransLab, Hackteria
The new woman’s survival catalog, Primary Information
Biologie
LilyPad, Arduino documentation
Arduino Uno
Raspberry Pi
Sakura Board, RS Components
Capture d’écran du Cyberfeminism Index, octobre 2022
The new woman’s survival catalog, Primary Information
Editions Cybersorcière, Lucile Olympe Haute
Illustration du lieu Le Compost, la Résille
Marias Clandestinas, Emilia Yang
Claudia Herbst, Untitled #34, image générée par ordinateur résultant d’erreurs de rendus
Free clip art pour offrir des solutions
démonter
Philippine Talamona
Philippine Talamona
Bibliographie

Bibliographie

Livres

Arns Inke, Lechner Marie. COMPUTER GRRRLS. Kettler, 2021.

Barseghian Anne et Kristensen Stefan. Mille écologies – Echafauder l’habitat, les relations, les résistances. MétisPresses, 2022.

Bosqué Camille. Open Design. Fabrication numérique et mouvement maker. Editi

Bourguignon Jonathan. Internet années zéro : De la Silicon Valley à la Chine, naissance et mutations du réseau. Editions Divergence, 2020.

Caeymaex Florence, Despret Vinciane, Pieron Julien. Habiter le trouble avec Donna Haraway. Editions du dehors, 2019.

Le Collectif d’enquêtes politiques, Brêtas Marie-Pierre, Cabanes Pierre, Colson Daniel, Demorcy Didier, Gastfall Ursula, Monaco Marc, Stengers Isabelle. Cahiers D’Enquêtes Politiques. Vivre, Expérimenter, Raconter. Les Editions des mondes à faire, 2016.

Collet Isabelle. Les oubliées du numérique. Editions Le Passeur, 2019.

Le Guin Ursula. Terremer (édition intégrale). Le Livre de Poche, 2018.

Hao Yadong Sophia. Of other spaces : where does gesture become event ?. SternbergPress, 2019.

Haraway Donna. Vivre avec le trouble. Les Editions des mondes à faire, 2020.

Landwehr Dominik. Hacking – Edition Digital Culture 2. Christoph Merian, 2014.

Masure Anthony. Design et humanités numériques. Editions B42, 2017.

Padilla Margarita, Hache Alex, Cadon Benjamin, Ippolita, Maxigas, Carolina, Elleflâne, Bravo Loreto, COATI, Agosti Claudio, Kaneko Kali, Framasoft + AMIPO. Souveraineté Technologique volume 2. Descontrol, 2018.

Plant Sadie. Zeroes + Ones : Digital Woman + The New Technoculture. Doubleday, 1997.

Richard Claire, Drulhe Louise. Petit ouvrage d’autonomie technologique. 369 éditions, 2018.

Tsing Lowenhaupst Anna. The Mushroom at the End of the World : On the Possibility of Life in Capitalist Ruins. Princeton University Press, 2021.

Tsing Lowenhaupst Anna. Proliférations. Editions Wildproject, 2022.


Articles

Bardzell Shaowen, Toombs Austin, Bardzell Jeffrey. “Now That’s Definitely a Proper Hack : Self-Made Tools in Hackerspaces”, CHI '14, One of a CHInd, 2014.

Bardzell Shaowen, Toombs Austin, Bardzell Jeffrey. “The Proper Care and Feeding of Hackerspaces : Care Ethics and Cultures of Making”, CHI '15: Proceedings of the 33rd Annual ACM Conference on Human Factors in Computing Systems, 2015.

Chachra Debbie. “Why I Am Not A Maker”, The Atlantic, 2015.

Chardronnet Ewen. «  GynePunk, les sorcières cyborg de la gynécologie DiY  », Makery, 2015.

Evans Claire. “Women in Hypertext : On Judy Malloy and Cathy Marshall’s Forward Anywhere”, Are.na, 2018

Furter Loraine. «  INCLUSIFVES, Boîte à outils pour des graphies non binaires  », Panthère Première n°07, 2021.

Goldenberg Anne. «  Hacking with Care : Attention, bien-être et politique de l’ordinaire dans le milieu hacktiviste  », DPI 27 : Hacktivisme, 2013.

Goldenberg Anne. «  Les hackerspaces comme politisation d’espaces de production technique. Une perspective critique et féministe  », Mouvements, vol. 79, no. 3, 2014.

Haraway Donna. «  Manifeste Cyborg  », Radical Society, 1985.

Herbst Claudia. “Gender and Computer Graphics Imaging : To Err May Be Salvation”, Leonardo, Vol. 34, 2001.

Hoejlund Marie. “Sharing as Survival : Mindy Seu on the Cyberfeminism Index”, The Gradient, 2020.

McNamara Rea. “On Feminist Indexes : An Interview with Cait McKinney and Mindy Seu”, Hyperallergic, 2021.

Morozov Evgeny. “Making It. Pick up a spot welder and join the revolution.”, The New Yorker, 2014.

Pin Paula. «  Biohacking : la recherche scientifique comme capacité à performer la réalité. Une révision transhackféministe du hack de la science.  », Ritimo, Souveraineté Technologique, 2014.

Pritchard V. Helen. “Clumsy Volumetrics”, DATA Browser 8, VOLUMETRIC REGIMES: material cultures of quantified presence, Open Humanities Press, 2022.

Richard Claire. «  Pas d’Internet féministe sans serveurs féministes, entretien avec Spideralex  », Panthère Première, numéro 4, 2019.

Savic Selena, Wuschitz Stefanie. “Feminist Hackerspace as a Place of Infrastructure Production”, Ada Issue Number 13, 2018.

SSL Nagbot. “Feminist Hacking/Making : Exploring New Gender Horizons of Possibility”, Journal of Peer Production, Issue #8: Feminism and (un)hacking, 2016.

Toupin Sophie. “Feminist Hackerspaces : The Synthesis of Feminist and Hacker Cultures”, Journal of peer productions, 2014.

Toupin Sophie, Couture Stephane. “Feminist Chatbots as part of the Feminist Toolbox”, Feminist Media Studies, volume 20, numéro 5, 2020.

Toupin Sophie, Hache Alex. “Feminist autonomous infrastructures”, Global Information Society Watch, 2015.

Toupin Sophie, Spideralex. “Radical Feminist Storytelling and Speculative Fiction : Creating new worlds by re-imagining hacking”, Ada Issue Number 13, 2018.

Thèses

Haralanova Kristina, “Do-It-Together : Feminist Reconfigurations of Hacking In Montreal”, Concordia University, Montreal, 2019.

Wuschitz Stefanie, “Feminist Hackerspaces. A Research on Feminist Space Collectives in Open Culture”, Vienna University of Technology, 2014.


Sites web

Ada n°13, https://adanewmedia.org/issues/issue-archives/issue13/, revue en ligne, consulté en octobre 2022.

Anarchaserver, https://anarchaserver.org/, serveur féministe, consulté en octobre 2022.

Cyberfeminism index, https://cyberfeminismindex.com/, consulté en octobre 2022.

Despoinas Media Coven, https://www.miss-hack.org/, serveur féministe, consulté en octobre 2022.

Hackteria, https://www.hackteria.org/, consulté en octobre 2022.

Penchblenda manifesto, https://pechblenda.hotglue.me/?transhackfeminism_en, consulté en octobre 2022.

La Résille, https://laresille.fr/, travail collectif de science-fiction, consulté en octobre 2022.

Podcast

Le podcast des Utopiales 2021, « Si les femmes n’avaient pas été éjectées de l’informatique », 57 minutes, 2021.

Philippine Talamona
Remerciements

Remerciements

Ce mémoire a été rédigé sous la direction de Anne Laforet que je remercie pour sa patience et ses conseils.

Je remercie Agathe S., Agathe T., Carla, Chiara, Lise, Neve et Zoé pour leur soutien et les récits féeriques qui s’écrivent en commun.

Philippine Talamona
Crédits

Crédits

Ce mémoire est édité en code to print avec le gabarit PageTypeToPrint sous licence MIT développé par Julien Bidoret pour la mise en page normalisée des mémoires et documents écrits de l’option Design graphique multimédia de l’ESAD Pyrénées.

La typographie utilisée est la DINdong, réalisée par Clara Sambot et sous licence OIFL (Open Inclusif..ve Fonte License), mise à disposition sur la typothèque Bye Bye Binary.

Philippine Talamona
Philippine Talamona

  1. Définition utilisée par Bye Bye Binary dans le cadre de la définition de la..e Queer Unicode Initiative. ↩︎

  2. D’après la définition de la Fondation pour le logiciel libre mise à disposition sur le site web du système d’exploitation GNU. ↩︎

  3. Richard Stallman, « En quoi l’open-source perd de vue l’éthique du logiciel libre », mis à disposition sur le site web du système d’exploitation GNU. ↩︎

  4. Anne Goldenberg dans « Hacking with Care : Attention, bien-être et politique de l’ordinaire dans le milieu hacktiviste », publié en 2013. ↩︎

  5. D’après la contribution de Alex Hache dans Souveraineté Technologique volume 2 publié en 2018. ↩︎

  6. Debbie Chachra dans “Why I Am Not A Maker”, publié dans The Atlantic. ↩︎

  7. Evgeny Morozov dans “Making It”, publié dans The New Yorker. ↩︎

  8. Paula Pin dans « Biohacking : la recherche scientifique comme capacité à performer la réalité. Une révision transhackféministe du hack de la science. » dans Ritimo. ↩︎

  9. Voir le catalogue de l’exposition COMPUTER GRRRLS, dirigé par Arns Inke et Lechner Marie. ↩︎

  10. SSL Nagbot dans “Feminist Hacking/Making: Exploring New Gender Horizons of Possibility”, publié dans Journal of Peer Production. ↩︎

  11. D’après la contribution de Alex Hache dans Souveraineté Technologique volume 2 publié en 2018. ↩︎

  12. Le projet et ses ressources sont disponibles en ligne à l’adresse https://anarchagland.hotglue.me/?decolonizar-fr/. ↩︎

  13.  D’après la contribution de Alex Hache dans Souveraineté Technologique volume 2 publié en 2018. ↩︎

  14. Stefanie Wuschitz le décrit dans le troisième chapitre de sa thèse, “Create the Space Before it Creates You”. ↩︎

  15. D’après la définition du CNRTL. ↩︎

  16. Kristina Haralanova dans sa thèse “Do-It-Together : Feminist Reconfigurations of Hacking In Montreal.” ↩︎

  17.  Selena Savic et Stefanie Wuschitz dans “Feminist Hackerspace as a Place of Infrastructure Production”, publié dans Ada : A Journal of Gender, New Media, and Technology. ↩︎

  18. Le Low-Tech magazine est hébergé à l’adresse https://solar.lowtechmagazine.com/fr/. ↩︎

  19. Le serveur Anarchaserver est hébergé à l’adresse https://anarchaserver.org/. ↩︎

  20. Sophie Toupin et Alex Hache dans “Feminist autonomous infrastructures”, publié dans Global Information Society Watch. ↩︎

  21. Isabelle Collet dans Les Oubliées du numérique, publié en 2014. ↩︎

  22. Anne Goldenberg dans « Hacking with Care : Attention, bien-être et politique de l’ordinaire dans le milieu hacktiviste », publié en 2013. ↩︎

  23.  D’autres ressources sont disponibles sur le wiki de Hacking with care à l’adresse [start [HACKING WITH CARE]](https://hackingwithcare.in/wiki/doku.php/start). ↩︎

  24. La plateforme est hébergée à l’adresse https://restorative-infrastructure.net/. ↩︎

  25. D’après la page A propos du site de Hacking With Care, hébergé à l’adresse https://hackingwithcare.in/. ↩︎

  26. Rea McNamara, “On Feminist Indexes : An Interview with Cait McKinney and Mindy Seu” publié dans Hyperallergic. ↩︎

  27. Marie Hoejlund, “Sharing as Survival : Mindy Seu on the Cyberfeminism Index”, publié dans The Gradient. ↩︎

  28. D’autres ressources sont disponibles à l’adresse https://prepostprint.org/. ↩︎

  29. La revue est disponible en ligne à l’adresse https://adanewmedia.org/issues/issue-archives/issue13/. ↩︎

  30. Le podcast des Utopiales 2021, « Si les femmes n’avaient pas été éjectées de l’informatique ». ↩︎

  31. D’après Victor Papanek dans Design pour un monde réel. ↩︎

  32. John Thackara, “Design & Violence : Republic of Salivation”. ↩︎

  33. Claudia Herbst, “Gender and Computer Graphics Imaging : To Err May Be Salvation.” ↩︎

  34. Jara Rocha et Femke Snelting, “The Industrial Continuum of 3D.” ↩︎